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20140521

440 mots pour l'(ini)imitable Anna Piaggi

Photo tirée de la série Ho, Anna ! réalisée par le studio decker+kutic'

Un été il y a environ deux ans, alors que les lecteurs allaient bientôt être mûrs pour le très dépouillé style Céline, les éditos ont célébré le fantasque et les couleurs vives. Cette fois le retournement de veste avait une bonne raison. La disparition del personaggio colorato qu'était Anna Piaggi clôturait un chapitre.
Mais voila, l'hommage à cette grande dame a tourné court et avant même que l'on ait le temps d'être inspiré, les articles se concluaient sur des anecdotes de chapeaux et la mention de son amitié avec Karl Lagerfeld*.

Née à la toute fin des années 80, mon imaginaire reste imprégné du sportwear, des fines bretelles de débardeur et de la virgule Nike pour seul motif. Le règne du basique dans lequel j'ai grandi n'a pas aidé à comprendre le style bariolé d'une vielle dame aux cheveux bleus.
J'ai connu la mode surannée au cinéma, aux cours d'histoire du costume et dans la presse. À cette étape là, celle des magazines, ça n'était déjà plus de la "mode surannée", davantage du vintage, tout ce qu'il y a de plus actuel. S'habiller avec du vieux Vionnet, du vieux Chanel ou du vieux Levis est devenu conventionnel. Anna Piaggi aurait pu servir de modèle de réussite à cette poursuite du style, si ce n'est que l'approche était tout à fait différente.

A.P. est née dans les années trente. Les tendances des décennies dans lesquelles nous picorons par tranche de un ou deux ans n'ont pas entaché la rigueur de ses tenues puisqu'elle ne suivait pas les tendances mais prenait la mode comme mode de vie. Elle picorait, elle, dans le surréalisme, le Swinging London, les ballets russes et les cercles chromatiques de Sonia Delaunay. Pour comprendre et apprécier le style panaché et sincère della Piaggi, à une époque où la mode peut parfois manquer de saveur, il faut donc avoir en tête que chacune de ses tenues avait une raison d'être. Et quand bien même elles n'en avaient pas, elles lui transmettaient l'allure passionnément décomplexée dont les anglais — et les milanais — ont le secret. Celle dont s'affute trop rarement les parisiens en pensant que ce fameux "style", c'est du tout cuit.

Si notre histoire vestimentaire, empêtrée dans le minimaliste 90's et le vintage des 00's, nous gâche la vue sur cette silhouette acidulée que nous ne comprenons pas, peut-être arriverons nous à en apprécier au moins l'univers à travers un personnage plus voisin dans l'âge : Tavi Gevinson. On s'apercevra de sa force d'inspiration en fouillant dans les archives de son blog et en parcourant son Rookie ; un magazine pour adolescentes mais aussi adulte qu'un bon Pixar.


* Le studio croate decker+kutic' a fait exception en rendant un hommage par le biais d'une série de mode aux looks calqués sur la rédactrice italienne et au stylisme plus accessible.